L'accueil du patient et de son entourage est le premier soin. Sa qualité influence la relation future.
Il est un lien qui lui permet de s'exprimer tout au long du séjour et favorise le climat de confiance.
PREAMBULE
Pourquoi cette étude ?
En France, dans certains services d'accueil des urgences, le proche du patient est systématiquement mis à distance et laissé sans aucune information, durant de nombreuses heures. En 2017, confronté à une telle situation, j’ai été victime, durant plusieurs mois, d’une pathologie proche du syndrome de stress post traumatique. Loin de me convaincre, les explications fournies par la direction du centre hospitalier m’ont donné le sentiment que l’on me prenait pour un imbécile. Je l'ai ressenti comme une offense. Je ne pouvais pas rester sans réagir. La recherche de la vérité s'imposait.
J’ai mis à profit mon expérience professionnelle pour mener à bien une étude en la matière. Je l’ai diligentée comme une enquête judiciaire. J’ai consulté un nombre très important de documents, pour n’en retenir que quelques-uns. Ils émanent tous de sources soit officielles soit fiables.
Les investigations menées me permettent de conclure, que la mise à distance du proche ne repose ni sur une contrainte médicale, ni sur une obligation légale. Elle ne peut donc résulter que d'une décision arbitraire.
J'ai été stupéfait de découvrir que cette situation, imposée sans foi ni loi, n'allait généralement pas dans le sens de l’intérêt des patients. Ses conséquences peuvent ne pas être anodines. Cela peut aller jusqu'à des évènements indésirables associés au soin. C'est très loin d'être marginal. Une publication de l'INSERM de Bordeaux laisse entendre que "sur cinq personnes qui se présentent aux urgences, une pourrait être concernée. Cela représente un enjeu de santé publique majeur puisque environ un million de personnes sont concernées chaque année."
Il apparait donc difficilement concevable que des équipes, et parfois des services entiers agissent de la sorte sans manipulation mentale.
Mais le manque de respect envers le patient ne s'arrête pas là. Certains profitent de son ignorance pour le priver de l'un de ses droits, celui d'être accompagné par la personne de son choix tout au long de son parcours de soins (art. L.1111-6 du code de la santé publique). Je les invite à prendre connaissance de l'article L.432-4 du code pénal. Ils y découvriront que le fait d'ordonner ou d'accomplir arbitrairement un acte attentatoire à la liberté individuelle commis, dans l'exercice de sa mission, par une personne chargée d'une mission de service public est lourdement sanctionné.
Mais attention, c'est au patient et à lui seul de décider s'il doit être accompagné par sa personne de confiance et éventuellement à en fixer les limites. Toutefois, quelques rares restrictions existent. Elles concernent les locaux pour lesquels des textes imposent aux établissements le renforcement de l'hygiène et/ou de la sécurité (blocs opératoires ou salles de radiologie par exemple).
La première partie de la charte des patients hospitalisés de 1995 reprenait et commentait l’un des paragraphes du préambule de la constitution de l’organisation mondiale de la santé. Il y était inscrit :
"Le malade, le blessé, la femme enceinte, accueilli en établissement de santé ou suivi en hospitalisation à domicile ainsi que la personne âgée hébergée est une personne avec des droits et des devoirs. Elle ne saurait être considérée uniquement ni même principalement du point de vue de sa pathologie, de son handicap ou de son âge".
"Au-delà de la réglementation sanitaire qu’ils appliquent, les établissements de santé se doivent de veiller au respect des droits de l’homme et du citoyen reconnus universellement, ainsi que des principes généraux du droit français : non-discrimination, respect de la personne, de sa liberté individuelle, de sa vie privée, de son autonomie…. Enfin, ils s’assurent que les patients ont la possibilité de faire valoir leurs droits".
Bien qu’ils ne soient pas repris dans la charte actuelle ces principes demeurent d’actualité. Les textes auxquels ils faisaient référence n’ont pas été abrogés. La loi Kouchner est même allée plus loin. Elle a introduit la notion de démocratie sanitaire et renforcé les droits des patients. Le soin ne doit pas être un acte technique porté sur un corps déconnecté de la personne sous toutes ses facettes. Il doit permettre de rétablir un bien-être. Ainsi, l’accompagnant demeure un des acteurs qui peut contribuer à cette qualité d’“Être global”. Reconnaître l’accompagnant c’est une façon complémentaire de reconnaître le patient en tant que personne et respecter sa vie privée. Il représente, un repère, un lien avec le monde intime du patient, et sa vie domestique.
En août 2013, le docteur Patrick Pelloux, président de l’association des médecins urgentistes de France déclarait : "L’attente est le principal facteur de violence…. Par ailleurs, il faut rendre plus humains les services. Certains hôpitaux n’acceptent pas les familles. Les services de soins ont été "bunkerisés". C’est extrêmement mal vécu par les patients." (Nous le verrons plus loin, cela a évolué. Le principal reproche concerne désormais la prise en charge, loin devant l’attente. Ceci pourrait être lié au rejet systématique du proche, de la part de certains soignants qui pensent plus à eux qu’à la volonté et aux besoins des usagers).
Prenons l’exemple du centre hospitalier de Béziers. Il est incontestable que, dans son ensemble, il s’agit d’un établissement respectable. La majeure partie du personnel est consciencieuse, dévouée et fait preuve d’empathie. Il est regrettable que depuis son transfert dans des locaux neufs et fonctionnels, le service des urgences ait été transformé, au moins par certaines équipes, en un véritable bunker, dans lequel le proche du patient n’a aucune place. (La situation décrite est celle d'avril 2017. Les équipes ont vraisemblablement été renouvelées. Les comportements peuvent donc avoir évolué).
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Béziers n'est pas un cas unique. Un article intitulé "Je ne peux pas l'accompagner aux urgences", publié sur le site www.seringue.net tente de démontrer qu'il n'est pas possible d'accompagner un proche aux urgences. Cet autoritarisme n'est pas inéluctable. Démontrer qu'il est possible de faire autrement est un jeu d'enfant. A Béziers, quand le service se trouvait dans des locaux vétustes et inadaptés, le proche y était admis de façon quasi systématique. Dans d’autres hôpitaux, il est proposé au patient, dès son admission aux urgences, de désigner une personne de son choix qui l’accompagnera tout au long de sa prise en charge. C'est notamment le cas pour :
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le Centre hospitalier de Cahors : https://medialot.fr/cahors-la-place-des-familles-au-service-des-urgences-une-evolution-necessaire/ ;
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le Groupe hospitalier Saint Joseph à Paris : https://fr.linkedin.com/pulse/place-des-accompagnants-aux-urgences-olivier-ganansia .
Ce n’est pas une faveur, c’est un droit. Or, le respect des droits des patients est une dimension essentielle de la qualité, qui figure dans les indicateurs de qualité et de sécurité des soins pris en compte pour la certification des établissements par la Haute Autorité de Santé
Après avoir exposé les éléments qui tendent à accréditer le fait que la mise à distance du proche est une mesure arbitraire, qui va généralement à l’encontre de l’intérêt du patient nous démontrerons son illégalité et indiquerons de quelle manière le patient peut imposer d’être accompagné par la personne de son choix durant tout son séjour dans le service des urgences


